forum etudiant ile de la reunion                                
Histoire de l'éducation

Approches sociolinguistiques

Education comparée Approches interculturelles Psychologie et éducation Ecole et violence Approches contextuelles
Méthodes quantitatives

Méthodes qualitatives

Psychopédagogie Didactique Traitement des données Socio. des pratiques d'enseignement Travail social et
ses pratiques
 

Sociologie des pratiques d'enseignement  (Tupin), cours n°5 : 

le 30/04/03

Reprise du précédent cours (rattrapage du TD)

L'enjeu consiste à se demander si on peut importer des cadres théoriques européens et notamment français à la Réunion ?
Pour cela, il faut regarder le terrain réunionnais, est-ce que tout est particulier ou est-ce qu'il existe beaucoup de particularités ?
Si l'intérêt est la réussite ou l'échec scolaire à la Réunion est-ce du à l'origine social ou est-ce qu'il y a une spécificité réunionnaise qui le permet ?

Intérêt de l'objet : 
Est-ce que le système éducatif réunionnais en dehors de la Réunion comporte un intérêt ou pas ?
Oui, car à la Réunion les temps, espaces et cultures sont télescopés, tout se passe en accélérer. On a à faire  à des conditions de laboratoire.

Bilan chronologique de l'école à la Réunion :

  1. Longue période de stagnation acceptée
  2. Création de l'Académie de la Réunion
  3. Massification des scolarités en collège

 

  1. Elle montre que y compris dans les années 1960, il y avait un système bimodal, une école pour les héritiers et une école pour les autres.

  2. Création de l'Académie de la Réunion : création enclenche la construction véritable d'un système éducatif ouvert à tous progressivement de la maternelle à l'université.

  3. Massification de 1985 à 1994 : scolarisation des élèves jusqu'à la classe de 3ème.
    La moitié des promotions vont aller en seconde différenciée et le nombre de bachelier augmente sans cesse.

    Pendant 10 ans, il y a massification du système éducatif à la Réunion.

Ségrégation social, ségrégation scolaire.

Euphorie : bond en avant énorme de massification. Mais quand on s'est attaché à la dimension qualitative, il y a eu des problèmes.

En 1994 la promotion complète arrivent en fin de collège.

Tout le monde va au collège mais avec des parcours au collège qui sont diversifiés : plusieurs réseaux de scolarisation.
D'une certaine façon, on dessine 2 scolarités parallèles qui accueillent 2 publics socialement différents.
Comment vont se nouer ces 2 écoles ?
Elles vont se construire à travers l'homogénéité des classes, tri scolaires et tri social.
Ce genre de pratiques ne donne pas de réactions car elles n'ont pas de contre pouvoir parental du côté des victimes.
Pas de référent à une histoire scolaire.
La scolarisation des plus jeunes de la fratrie se fait sans aucun repère.

Le niveau d'exigences à savoir qu'ils sont d'autant plus faibles que la composition sociale des classes est défavorisées.

Dans le même temps, l'enseignant réclame 2 mesures : réduire les effectifs et augmenter les heures complémentaires ce qui serait efficace se serait enseigner de façon différentes.
Cet alourdissement ne permet pas de faire de la pédagogie différenciée.
Dans le même temps, il va y avoir une augmentation des comportements consuméristes
(consommateurs d'école).
Le spécialiste de la question R. Ballion, Les consommateurs d'école, 1992, Stock.

Donc les familles plus favorisées développent plus de stratégies pour que leur enfant soit dans les "bonnes classes".
Ces stratégies consuméristes vont creuser les écarts sociaux et donner lieu à 2 écoles au sein du collège.

En fait, cette organisation est une façon d'acheter la paix social du côté des familles favorisées et parfois du côté des enseignants.
On a donc finalement un système dual du point de vue qualitatif

Ce qui a été conquis en 10 ans :
- Droit à l'école le plus longtemps possible grâce à la démocratisation quantitative mais il existe encore une cloison qualitative.

D'une certaine façon, il y a un apartheid scolaire qui échappe à la plupart des parents alors que les élèves eux ont compris depuis fort longtemps dans quel système inégalitaire ils sont scolarisés.
Donc il y a une intériorisation, par les familles, d'un parcours scolaires au rabais qui peut créer des réactions très négatives de la part des élèves.
Les élèves n'acceptent pas cette intériorisation, ils développent des formes de résistance : formes de violence.
Cela renvoie aux travaux de Debarbieux sur la violence scolaire.

- Autre dimension : celle du créole
C'est un vrai débat, l'enseignement avec le créole
(et non pas du créole : enseignement de la langue créole comme matière ou en créole : langue créole utilisée dans les diverses matières pour l'enseignement).

L'enseignement avec le créole, c'est tenir compte du patrimoine linguistique qu'on a en face de nous, l'enseignement avec le créole, c'est essentiellement un problème attitudinal qui renvoie à une attitude positive face à la langue maternelle des élèves qui pour la plupart sont défavorisés.
Donc derrière cette massification, perdure une dualité d'écoles qui cache en fait un tri social et qui accentue les écarts sociaux des parcours scolaires.

Pour conclure :
L'enjeu de demain est un enjeu qualitatif sachant qu'il ne faut pas nier les progrès phénoménaux depuis 1985, c'est à dire que la voie du qualitatif est la voie de l'hétérogénéité maîtrisée, qu'il faut à la fois du tronc commun et des parents accompagnés ou adaptés pour les élèves en difficultés.

Par exemple, aménager au collège des classes hétérogènes tout en maintenant en parallèle des dispositifs de regroupement d'élèves en difficulté.

Les progrès qualitatifs seront possibles à conditions de modifier les attitudes professorales et parentales si l'on veut que les enfants réunionnais de milieux défavorisés (2/3 des élèves) adhèrent à l'école.
Donc des mesures techniques et des prises de conscience au plan des comportements et des attitudes.

Au collège, les changement sont les plus perceptibles tant au niveau de la massification positive qu'au niveau du tri social déguisé.

Rapport entre enseignants et familles à la Réunion :

F. Tupin, Enseignants et familles modestes mobilisées : des représentations aux interactions, Larmattan, Hommage à Louis Porscher, 2003 (à paraître).

A partir des années 1960, le législateur va souhaiter que les parents s'impliquent davantage dan la vie de l'école. On présuppose que si il s'implique ça va permettre aux enfants de mieux réussir pourtant il y a eu 2 objections :

  1. L'implication des parents défavorisés dépend pour une grande partie de la façon dont les enseignants va établir le jeu relationnel, car les enseignants sont maîtres du jeu.
  2. On n'a pas établi de relation clair entre parents modestes et les résultats de leurs enfants

Ces relations sont dissymétriques donc les enseignantes sont globalement beaucoup plus réticents que les parents pour nouer des relations suivies. Les familles modestes selon l'enseignant ne constituent pas vraiment des partenaires, relation inégalitaire ou relation qui dépend du maître et plus on est bas dans la hiérarchie sociale et plus c'est inégalitaire.
Les enseignants résistent à nouer des relations avec ces parents même si c'est tout de même une de leur mission. Quand l'enseignant rencontre des parents modestes, il y a des représentations croisées qui se mettent en route (images mentales différentes de chacun, voir A. Léger et M. Tripier).
Qui dit dialogue différent dit attentes différentes.

Quels sont les paramètres qui vont modeler les attentes et les représentations des enseignants ?

- Ce qui joue est le niveau de certification : un instituteur n'aura pas les mêmes attentes qu'un professeur des écoles ou un agrégé.
- Niveau et secteur de scolarisation
- Dans quel type d'établissement est-on en exercice ?
- Appartenance sociale des familles

Du côté des familles : Il y a des facteurs qui influencent le degré de rencontre avec l'enseignant :

- Mode de structuration de la famille
- Investissement qu'ils mettent dans l'école

 

Donc ensuite, on s'interroge sur la relation entre enseignants et famille à la Réunion :

Quelles sont les représentations et attentes réciproques entre familles réunionnaises défavorisées et les enseignants à la Réunion :

- Origine sociale
- Style éducatif familial
- Suivi de la scolarité
- rapport à l'école
- Nature des relations avec l'enseignant
celle qui pèse le plus est l'appartenance sociale.

On va s'intéresser à la singularité car dans l'échantillon des familles, on ne retient que les familles défavorisées pour pouvoir neutraliser cette variable sociale.
On cherche à voir la diversité des relations entre enseignants et différentes familles défavorisées.

On s'appuie sur M. Gilly, Les représentations sociales dans le champs éducatif, PUF, 1991.

L'approche de Gilly consiste à se demander comment les représentations sociales vont agir sur la fabrication de l'échec scolaire, les représentations sociales vont donc permettre aux enseignants de préserver leur équilibre et leur besoin de cohérence.
Car les enseignants sont pris dans un étau, à savoir qu'on leur demande d'assumer des objectifs égalitaires et d'assumer la sélection des élèves.

Finalement si les enseignant ne veulent pas devenir schizophrènes, ils ont besoin pour s'en sortir de construire une sorte de protection au travers des représentations sociales c'est à dire qu'ils expliquent l'échec scolaire de l'enfant défavorisé à l'aide de représentations sociales négatives et notamment ils s'inscrivent le plus souvent dans un fatalisme sociologique qui justifie la sélection sociale.
En résumé, les enseignants sont pour l'égalité des chances et en même temps devant l'échec à caractère social, ils disent que c'est un phénomène inéluctable.
Il y a une autojustification par le biais des représentations sociales.

Les réponses vont exercer une influence très forte lors des relations avec les parents et on va voir par exemple, dans la gestion scolaire sur l'année d'un enfant, souvent que ce sont les représentation de départ qui priment.
On va donc mener des entretiens avec les enseignants et demander ce qu'ils pensent de tel ou tel élève.
On va repérer ensuite un certain nombre d'événements scolaires et de nouveau mener des entretien avec les enseignants et voir si leurs réponses ont été modifiées par ces événements.

La réponse est globalement non, les représentations de début d'année sont globalement stables quelque soit les problèmes scolaires rencontrés ou non par l'enfant, quelque soit l'évolution de l'enfant.
En gros, il y a un effet Pygmalion qui va expliquer une partie des différences de réussite entre élèves.

Les représentations dominantes des enseignants à la Réunion par rapport aux familles réunionnaises sont globalement négatives et les termes qui reviennent avec plus forte fréquence sont déficience et incapacité. 
Cela renvoie à F. Dubet, école, familles : le malentendu, Paris, Textuel, 1997

 

Au fil des auteurs scientifiques, les causes ou justifications de l'échec scolaire des familles modestes de la part des enseignants se résument à :

- Environnement familial
- Désintérêt pour l'école
- Manque ou aspiration liée à la réussite scolaire pour l'enfants.

Dans l'échantillon réunionnais tous les enseignants ne pensent pas ça mais ils sont minoritaires.
On voit qu'il existe un soutien de l'idée qu'il y a des marges d'actions des enseignants et que l'on peut changer l'école de l'intérieur.
Les outils utilisés sont surtout des questionnaires, entretien, l'étude est basée sur des déclarations.

Il y a eu 2 recueil de données :

  1. Recueil des données

Du côté des parents, concernant les familles socioculturellement défavorisées et pour ces 20 familles on s'est demandé 2 choses :
a- Rapports aux codes de l'école ?
b- Nature de leur structuration familiale ?

On suppose que ces 2 variables vont avoir une incidence sur l'efficacité de l'implication parentale, c'est à dire qu'il ne suffit pas de s'impliquer pour que l'enfant réussisse.
Ce qui compte, ce sont les implications et les modalités de celles-ci.
Du coté des enseignants, ces variables sont mises en relation avec les représentations des enseignants c'est à dire que pensent les enseignants de ce que serait l'implication parentale la plus efficace ?

Résultat, si la concordance entre ce que font parent et ce qu'attende les enseignants est-ce que ça va influencer des résultats scolaires des élèves ?

  1. Enquête :

Elle va s'intéresser aux perceptions réciproques des parents et enseignants.

La perception s'appuie sur les modes de socialisation familiale.

Côté parents :

Les modalités de structuration familiale
Modèle de J. Lautrey, Classe sociale, milieu familial, intelligence. Paris, PUF, 1980

Modèle de Lautrey : modèle ternaire : 3 modes de structuration familiale :

- structuration faible (pas de règle)
- structuration rigide (règles strictes)
- structuration souple ( règle claires, modulables en fonction des circonstances)

Lautrey tisse un lien entre le mode de structuration familial et le mode de développement cognitif des enfants dans ces familles.

Parmi 20 famille (toute défavorisé), 4 sont à structuration rigide, 10 à structuration souple et 6 structuration faibles.
Parmi 10 familles à structuration souple, on devrait trouver plus d'enfants qui réussissent à l'école.

Nombres de travaux montrent que les attitudes face à l'école dépendent de l'origine sociale. Plus l'origine sociale augmente et plus ils sont en phase avec l'école. Dans les écoles primaires la phase qui est plus forte est entre le cadre moyen et l'enseignant.

Néanmoins l'appropriation des codes de l'école est très hétérogènes, certaines familles modestes vont développer des stratégies pour éviter l'acculturation. Certaine familles vont donc tenter de s'adapter aux codes de l'école, essayer de s'approprier une culture étrangère, cela passe principalement par des réseaux d'interconnaissances pour savoir finalement ce qu'attend le maître, à qui leur enfant a été confié.

D'une certaine façon, on essaie de cerner quelle est la culture scolaire du maître et on tente d'y répondre y compris dans la relation qu'ils vont avoir avec les maîtres. D'un côté il y a donc des familles qui vont rechercher la connivence du maître et de l'autre côté des familles qui continueront à ignorer les codes de l'école.

Dans l'échantillon, 8 familles sont stratèges (acteurs) et 12 familles sont agents.

Représentation et attentes des enseignants :

Le modèle des bons parents pour l'enseignant sont ceux qui jouent les auxiliaires pédagogiques, qui prolongent à la maison ce qu'on fait à l'école en respectant les principes et fonctionnement engagés à l'école.
(Donc dans l'esprit des enseignants, les bons parents ne sont pas ceux qui ne font rien ou qui prennent d'autres modèles pédagogiques)

On attend des parents d'intégrer les règles de l'univers scolaire.

Dans l'esprit des enseignants, il y a différents degrés d'implication parentales réussies :

  • Tout d'abord montrer qu'on s'intéresse à ce que fait l'enfant à l'école
  • Venir chercher des techniques d'apprentissage à l'école
  • Veiller au suivi du travail donné par l'enseignant
  1. 1er degré : Transmission des clés de l'école, transmission des techniques, modèle idéal, meilleur degré
  2. Degré intermédiaire : intérêt pour le travail scolaire
  3. Degré faible : suivi des leçons et devoirs, investissement minimal
  4. Ne font rien, ne s'occupent pas de tout ça.

4 profils :

Rapport de degré 1 => 7 familles
Rapport de degré 2 => 4 familles
Rapport de degré 3 => 4 familles
Rapport de degré 4 => 5 familles

Ces chiffres vont à l'encontre des représentations dominantes des enseignants ordinaires.

 

Résultats des élèves :

Les résultats scolaires sont jugés positivement et négativement.

En regroupant les données familles, enseignants et résultats dans une base :

  1. Il y a des enfants de familles défavorisées qui réussissent à l'école
  2. Quand la structuration de la famille est souple, recherche d'appropriation des codes de l'école et savoir accompagner l'enfant ou intérêt pour les activités scolaires alors il y a réussite scolaire des enfants.

Modèle :
- manière d'élevé les enfants
- stratégie pour comprendre ce qu'attend le maître
- implication dans le travail scolaire

Tout ceci permet une réussite scolaire forte des enfants, cela représente 6 familles.

Au total 8 familles sont réussissantes dont 6 dans le modèle précédent : adéquation parents-enseignants => résultats scolaires

2 autres familles réussissent :
Une correspond à un degré d'implication dans l'école qui consiste à suivre les leçons et devoirs mais avec une structuration souple
et l'autre atypique : degré de structuration faible et investissement minimal (suivi des devoirs)

Aucun des enfants qui bénéficient d'une structuration rigide réussissent, un seul des enfants qui réussit avec une structuration faible et tous les autres ont des structuration souple.

Toutes les familles qui ne s'investissent pas du tout dans l'école subissent l'échec scolaire.

A 2 exception près, les familles qui ne développent pas de stratégie pour savoir ce que le maître attend n'amène pas leurs enfants à réussir.

Il y a donc des dominantes.

Bilan de la recherche :
Pour qu'un enfant de famille défavorisée réussissent, il faut que sa famille parcours le chemin vers l'école, c'est un effort des familles et non pas des maîtres.

Si l'intégration ne se fait pas à double sens, il n'y a pas de réduction des écarts scolaires.

Résumé du cours :
Grandes étapes du parcours circulaires

  1. L'école est reproductrice : l'école fait une sélection suivant l'origine sociale.
  2. La reproduction c'est traduite du côté positif par la massification
    et du côté négatif par l'absence de démocratisation qualitative.
  3. Si on veut atteindre l'objectif de réduction des écarts sociaux, il ne faut pas s'intéresser à la structure (rédiger des lois), mais il faut confier ces mission aux acteurs
  4. La  réalité de ces marges d'action se fait au travers de l'effet établissement et de l'effet maître qui est levier plus fort de la démocratisation.
  5. Comment exercer l'effet maître au travers de l'article des marges d'actions des enseignants ?
  6. Nous avons positionné également les marges d'actions des familles défavorisées pour que leur enfant réussissent.
  7. Il faut chercher à faire un parallèle entre la France métropolitaine et l'évolution du système éducatif à la Réunion.